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L’extension de la réduction d’impôt Pinel pour favoriser la revitalisation des cœurs de ville : incitation fiscale au service de la dynamique des territoires ou cautère sur une jambe de bois ?

Le gouvernement, par la voix de M. le ministre Julien Denormandie, vient de proposer à l’occasion du PLF 2019 une extension du dispositif Pinel aux travaux d’amélioration d’immeubles de cœur de ville des villes moyennes. 

Si cette initiative traduit (enfin) une prise de conscience de la nécessité d’inciter à la restauration du parc immobilier existant de ces cœurs de villes, lesquels présentent de nombreux enjeux notamment relatifs à la lutte contre le mal-logement, la préservation des commerces de proximité, la transition énergétique et, plus largement, la redynamisation des territoires et la préservation de leur identité (nous recommandons, à ce sujet, la lecture du rapport de M. le sénateur Yves Dauge), la solution proposée n’en est pas moins insuffisante et imparfaite, et risque d’être parfaitement inefficiente.

UNE SOLUTION INSUFFISANTE ET IMPARFAITE

Une solution présentant des vertus indéniables

L’extension proposée du dispositif Pinel présente des vertus indéniables puisqu’elle consiste en un dispositif fiscal incitant à la restauration d’immeubles, nécessaire pour libérer les initiatives privées.

Aussi, l’asseoir sur la conclusion de conventions ORT (NB : il s’agit de conventions crées par la loi ELAN, dans la continuité du plan « action cœur de ville », et qui visent à redynamiser les centres villes des villes moyennes en assouplissant certaines règles et en ouvrant droit à des subventions de l’Etat) est pertinent pour en délimiter précisément l’éligibilité territoriale et temporelle.

Enfin, cette nouvelle hypothèse d’application du dispositif Pinel ne requiert ni des travaux aboutissant à une construction neuve, ni le respect des conditions actuellement applicables liées aux critères de décence, et se contente de travaux d’amélioration représentant au moins 25% du prix de revient de l’immeuble.

Pour autant, ce dispositif présente de lourdes insuffisances risquant de le rendre inefficient.

Une solution présentant de lourdes insuffisances

Le choix même du dispositif Pinel est contestable dans la mesure où son objectif initial de production de logements en zones tendues n’est absolument pas en phase avec les enjeux relatifs aux immeubles bâtis de cœur de ville qui ne se limitent pas aux seuls logements et concernent tout autant les locaux professionnels et commerciaux (qui sont au cœur des problématiques de dévitalisation) que la nécessité de favoriser les travaux de transformation et d’agrandissement (pour faire face aux enjeux de densification) de tous locaux ou logements.

Par ailleurs, le recours au dispositif Pinel a pour conséquence d’en réserver le bénéfice aux seuls « nouveaux investisseurs » et d’exclure de façon parfaitement infondée et contreproductive les propriétaires actuels.

Enfin, prévoir un seuil de coût des travaux ne repose sur aucune justification sérieuse (hormis celle, légitime, liée à une volonté de ne pas étendre la mesure à la réalisation de menus travaux) et risque d’inciter à un phénomène de surfacturation afin d’atteindre ce seuil.

UNE SOLUTION ALTERNATIVE, PLUS SIMPLE ET EFFICACE, POURRAIT ETRE ENVISAGEE

Une solution reposant sur le déficit foncier…

Plutôt que de dénaturer le dispositif Pinel et en proposer une version affaiblie, ce qui n’est pas à la hauteur des enjeux recensés, la solution la plus simple consisterait en une adaptation du mécanisme de droit commun des déficits fonciers. 

Il s’agit en effet d’un mécanisme ancien et éprouvé, aux modalités d’application parfaitement connues à la lumière d’une jurisprudence constante et d’une doctrine administrative stable, applicable uniquement aux opérations de restauration du bâti existant.

Ce mécanisme présente également une compatibilité éprouvée avec l’ensemble des autres outils de politiques publiques liés au logement, à la culture ou encore à la transition énergétique.

Ce dispositif ne se limite enfin pas aux nouveaux investissements et pourrait bénéficier aux propriétaires actuels d’immeubles éligibles.

…adapté aux enjeux recensés !

Cette adaptation nécessite impérativement que la limitation d’imputation des dépenses concernées sur le revenu global à hauteur de 10.700 € soit rehaussée à un montant cohérent au regard des enjeux (par ex. : 300.000 €) afin de pouvoir être réellement incitative.

Au vu des besoins de ces cœurs de ville, l’ensemble des dépenses d’amélioration afféren-tes aux locaux professionnels et commer-ciaux, ainsi que les dépenses de transformation et d’agrandissement afférentes à tout local ou logement, pourraient être rendues éligibles.

Enfin, l’éligibilité des campagnes de travaux concernées pourra être subordonnée aux seuls cas de restauration complète et être soumise à l’accord de l’autorité publique en matière d’urbanisme afin que celle-ci 1/ ait un droit de regard sur les programmes de travaux envisagés et 2/ puisse mettre en œuvre les outils à sa disposition liés aux enjeux territoriaux auxquels elle est confrontée.

Un recours au Pinel injustifié

Si le recours au dispositif Pinel traduit une volonté de subordonner l’avantage fiscal à la conclusion de baux devant respecter des plafonds de loyer et de ressources du locataire, ce choix méconnaît la réalité des territoires concernés où les prix de marché applicables sont, de fait, en deçà de ces plafonds. 

Une territorialité à recentrer

Le champ d’application territorial du dispositif proposé par le gouvernement est mal défini car il vise globalement les communes signataires de conventions ORT. Or, il n’apparaît ni nécessaire ni opportun de l’étendre au-delà des centres-villes identifiés au sein de ces ORT puisque ce dispositif ne peut prendre sens que dans le cadre d’une politique plus globale de redynamisation des territoires.

Pourquoi imposer une restauration complète ?

L’objectif poursuivi d’attractivité des cœurs de ville nécessite que les autorités compétentes puissent intervenir dans le cadre d’un remaniement global des immeubles afin de pouvoir les repenser dans leur entièreté et avoir toute latitude pour imposer des prescriptions, ce qui ne peut s’envisager en cas de restauration seulement partielle.

Aussi, seule une restauration complète permet des travaux d’amélioration efficace de la performance énergétique.

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